Société. Fast & Furious à la marocaine
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Pour participer, pas besoin de
rouler en rutilante sportive.
(TNIOUNI)
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Depuis
quelques mois, l’avenue de la Victoire à Rabat est le théâtre de
courses clandestines de motos et de voitures. Retour sur un phénomène
qui prend traditionnellement de l’ampleur pendant le ramadan.
Samedi 13 septembre. Il est 3 heures du matin quand un convoi de
police, composé de fourgons, de véhicules 4x4 et de motos, déboule vers
l'Avenue de la Victoire, à Rabat. Cette démonstration de force a pour
cible les rodéos clandestins de motos et de voitures, devenus |
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quasiment
habituels sur l’une des plus grandes avenues de la capitale. Déjà, les
forces de l'ordre étaient intervenues, le week-end précédent, pour
chasser les participants à la manifestation sauvage. Visiblement sans
succès…
Les spectateurs, réunis en masse sur les
trottoirs de l'artère rbatie, assistent, ébahis, à des scènes
surréalistes. En effet, au lieu de s'expliquer avec les policiers,
motocyclistes et automobilistes préfèrent prendre la poudre
d'escampette. S’ensuivent de véritables courses-poursuites dans les
rues du quartier de l’Agdal, dignes d’un film d’action tout droit sorti
de Hollywood. En bout de course, la police finit par réquisitionner
quelques voitures et une dizaine de motos. Des mobylettes, quelques
scooters, mais aussi des sportives et routières de grosse cylindrée.
“Le butin est plutôt maigre comparé à la descente de la semaine
dernière. Ils avaient alors confisqué pas moins d'une trentaine de
motos”, explique Mohamed, gardien de nuit, qui assiste malgré lui,
depuis pas mal de temps, à ces courses pas comme les autres.
Nuits agitées
Car depuis des mois, l’avenue, qui s’étend sur un peu moins d’un
kilomètre, est devenue le lieu de rendez-vous favori des amateurs de
sensations fortes. Sauf qu’en ce mois de ramadan, les courses ne se
tiennent plus exclusivement le week-end, à des heures très tardives,
mais aussi au cours de la semaine. Et les spectateurs sont également
devenus, oisiveté des nuits ramadaniennes oblige, beaucoup plus
nombreux. Un public venu de tous les quartiers de la ville (populaires
comme très huppés) et qui n’hésite pas à applaudir, encourager et
filmer (avant de tout poster sur Internet) les exploits des apprentis
casse-cou, dans un nuage de fumée et de gomme brûlées. Et pour entrer
dans cette “compétition”, pas besoin de rouler en rutilante sportive :
à côté des scooters, Harley Davidson et autres Quad, même les
possesseurs de vélos ont droit de cité. Le découpage de la “piste”
improvisée s'effectue sur toute sa largeur, en évitant de bloquer la
circulation pendant les “runs”. Pour autant, les automobilistes lambda
qui traversent l'avenue s'offrent souvent des sueurs froides, à force
de devoir zigzaguer entre les deux roues. Et comme le risque zéro
n'existe pas… “Il y a eu un accident au début du mois de ramadan : un
jeune en moto avait heurté un taxi. Heureusement, il n’y a pas eu de
blessés. Mais on pense que c’est à partir de cet incident que la police
a commencé à nous chercher des noises”, estime Redouane, jeune Rbati et
heureux propriétaire d’une Peugeot 305 customisée. Ce dernier dit ne
pas comprendre les motifs de ces interventions musclées, car
“généralement, tout se passe dans une ambiance bon enfant, avant que
tout le monde rentre tranquillement chez soi vers 4h du matin”. “Pour
le moment, je pense qu’on va faire une pause, et chercher un autre
endroit pour continuer nos courses. Aucun d'entre nous n’a envie de
voir sa voiture ou sa moto embarquée par la dépanneuse des flics”,
poursuit Redouane.
Et les travaux de prospection ont déjà commencé. Certains pensent à
l’Avenue Annakhil à Hay Riad ou à l’Avenue Mohammed VI (ex-Route des
Zaërs), au quartier Souissi, où se déroulent déjà quelques “runs” de
temps à autre. Mais la plupart des automobilistes amateurs d'adrénaline
se rabattent sur une autre méthode, nettement plus dangereuse.
“Parfois, avec des potes, on traîne en voiture dans les grandes artères
de Rabat.
Et quand on tombe à un feu rouge sur un automobiliste qui pourrait
avoir envie de faire une petite course, on le provoque en allumant le
signal de détresse, raconte Redouane. S’il démarre rapidement au feu
vert et qu’il nous suit, c'est que la course, sans ligne d'arrivée, a
commencé…”. Qui a dit que les nuits de la capitale étaient d'un calme
ennuyeux ? |
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