LA REVOLUTION FRANCAISE
Avec la Révolution, tout un monde
bascule. L'Ancien Régime, bâti par cinquante générations en plus de 1 500 ans,
s'effondre, une société nouvelle naît dont les prolongements s'étendent jusqu'à nous,
sur toute la surface du globe. Dix ans ont suffi pour repousser le passé et préparer
l'avenir. En une décennie, du 5 mai 1789, date de l'ouverture des Etats Généraux, au 9
novembre 1799, coup d'état de Brumaire et avènement du césarisme , les bouleversements
et les transformations remodèlent la France.
En 1789, la France n'était pas
malheureuse sur le plan économique. Ce n'est pas dans un état épuisé, mais c'est dans
un état florissant qu'éclata la Révolution. Albert Mathiez écrivait : "Les révolutions se font d'abord dans les esprits avant de passer
dans les choses". Les problèmes de l'abolition des vestiges de la
féodalité, de la répartition des impôts et de la réforme financière auraient pu
trouver des solutions, mais le pays souffrait d'une crise morale et d'une crise
d'autorité. Sa Bourgeoisie, trop écartée des fonctions publiques et qui fut à
l'origine des revendications, découvre en mai 1789, avec les états généraux, l'espoir
d'une ère de justice et de liberté. La France entre dans une aventure généreuse sans
en soupçonner les suites tragiques, elle ne sait pas encore que l'excellent va se mêler
au pire. Les sottises, les crimes s'accumuleront mais aussi les actions d'éclat. De
nobles élans, des enthousiasmes féconds soulèveront des masses, mais aussi parfois une
férocité bestiale. De hauts faits militaires succèderont à des massacres d'innocents.
A côté de réformes heureuses et d'actes d'héroïsme, le sang coulera.
Quoi qu'on ait affirmé, la Révolution n'est pas un bloc. Elle est au contraire d'une
extrême complexité. On peut admirer les idées généreuses et la grandeur des principes
et déplorer les atrocités commises. Chateaubriand a dit : "La
liberté ne doit pas être accusée des forfaits qu'on commet en son nom".
Pendant 10 années, le monde entier a eu les yeux fixés sur notre pays. Les idées
nouvelles ont été partout admirées ou redoutées. Si, en Angleterre, Burke critique le
mouvement révolutionnaire, à Hambourg, Lopstock célèbre le premier anniversaire de la
prise de la Bastille. "La Révolution intéresse l'humanité
toute entière" note Fichte en 1793. De son côté, le philosophe Hegel
s'écrie : "Il faut considérer la Révolution française comme
un événement du monde entier". Et il ajoute : "Ce
fut un merveilleux lever de soleil et tous les êtres pensants ont célébré cette
époque avec le peuple français". Kant donne, en 1798, un son de cloche
analogue : "Cet événement a une trop grande influence sur
toutes les parties du monde pour que les ne s'en souviennent et ne soient amenés
à en recommencer l'expérience". La Déclaration des Droits de l'Homme,
promulguée en 1789, devient pour beaucoup un bréviaire, la Marseillaise sera chantée
dans tous les pays opprimés. En Europe Centrale, en Italie, en Amérique du Sud, les
populations en lutte contre la domination étrangère se rappellent les leçons venues de
France. On veut oublier les massacres, les injustices, la Terreur, pour ne voir que la
noblesse des principes.
Que s'est il passé pendant ces dix ans ? Les manuels scolaires nous l'ont appris de
manière didactique. Il faut, à côté, restituer le mouvement même de la vie, évoquer
les hommes, peindre le grouillement des foules, rappeler l'ouvre entreprise. Une
histoire des grands mouvements révolutionnaires permet de comprendre les événements
d'aujourd'hui. La Révolution française se situe en effet au cour même de
l'histoire du monde contemporain.
Comment a-t-elle commencé ? La monarchie, financièrement aux abois, a convoqué en
mai 1789 les Etats Généraux, rapidement transformés en Assemblée Constituante (9
juillet-30 septembre 1791), où domine l'influence du Tiers Etat (en fait, celle la
bourgeoisie). Après la prise de la Bastille, symbole de l'absolutisme royal, le peuple
prend conscience de sa force. La noblesse propose d'elle même l'abolition de ses
privilèges et l'Assemblée rédige sa Déclarations des droits du citoyen. Mais Louis XVI
élude la ratification des décrets et appelle des troupes à Versailles. Les
révolutionnaires pressentent le danger et, au cours des "journées
d'octobre", ramènent de force la famille royale à Paris.
L'année 1790 est relativement paisible, la Constituante continue l'élaboration de la
future Constitution ? Cependant, en juin 1791, le roi, las de se sentir prisonnier aux
Tuileries, blessé en outre dans ses convictions religieuses (il désapprouve la
Constitution Civile du clergé) tente de s'enfuir, mais il est rejoint et arrêté à Varennes . La veille, Monsieur, le
frère du roi a fui lui aussi la france. Ce départ clandestin transforme les
sentiments de beaucoup de Français : le roi en fuite ne compte plus auprès de ses
sujets, le nombre des républicains augmente dans le pays. L'Assemblée admet pourtant la
fiction d'un enlèvement et Louis XVI accepte officiellement la Constitution (14 septembre
1791). Désormais le monarque et une nouvelle assemblée, la Législative (1er octobre
1791-10 août 1792), travailleront ensemble à la prospérité du pays et au bonheur des
Français
Dix mois plus tard, toutes les illusions ont disparu. Malgré les passions
révolutionnaires, malgré les manouvres de la cour et les intrigues des émigrés,
le jeu constitutionnel aurait peut-être pu réussir si l'ardeur belliqueuse des Girondins
(alors parti " avancé " de l'Assemblée) n'avait pas déclenché la guerre
contre l'Autriche.
Dès les premières défaites, les patriotes accusent le roi de trahison et dressent
contre la monarchie les forces unies de la nation. L'insolent manifeste du général
prussien Brunswick met le feu aux poudres. L'arrivée des Fédérés à Paris,
l'installation d'une commune insurrectionnelle permettent l'assaut final contre les
Tuileries (10 août 1792).
Après 13 siècles de monarchie, le "dernier
des rois" disparaît de la scène. La Commune fait conduire la "famille Capet" au donjon du Temple. La Législative,
moribonde, n'a plus son mot à dire. Elle termine piteusement sa carrière.
Avec la Convention (20 septembre 1792- 26 octobre 1795) s'ouvre l'ère républicaine. En
septembre, après les terribles massacres dans les prisons, une nouvelle assemblée est
élue : la Convention. La première séance se tient le jour même de la victoire de
Valmy, le 20 septembre 1792. Les armées françaises vont maintenant pouvoir passer à
l'offensive : c'est le début de la guerre de conquêtes.
A Paris, deux partis rivaux se disputent âprement la prédominance : Girondins et
Montagnards. Au milieu de ces luttes se déroule procès du roi. Il est condamné à une
voix de majorité . Son exécution (21 janvier 1793) amène la formation de la première
coalition contre la France révolutionnaire et le début d'une atroce guerre civile en
Vendée.
Voyant les Girondins incapables de conjurer les périls, la Montagne les fait exclure de
l'Assemblée (2 juin 1793). En fait ils sont promis à la guillotine : l'escalade des
haines continue.
Les Montagnards sont désormais les maîtres de l'Assemblée : ils gouvernent avec les
voix d'un "centre" apeuré. Ils doivent lutter à la fois contre les
ennemis de l'intérieur (c'est la flambée, très brève, du Fédéralisme) et ceux de
l'extérieur. La levée en masse permet de redresser la situation militaire, tandis que la
terreur est organisée comme moyen de gouvernement révolutionnaire : la reine, les
girondins, les généraux suspects sont guillotinés, les prêtres réfractaires à la
Constitution traqués.
En même temps les Hébertistes travaillent à extirper du pays l'esprit chrétien.
L'apparition de la déesse Raison à Notre Dame voudrait témoigner du triomphe de la
philosophie sur le fanatisme.
Le principe de la Liberté a été proclamé dans la Déclaration des Droits en 1789, mais
le gouvernement révolutionnaire, devant les dangers que font courir à la République les
armées étrangères et les "ennemis de la liberté", ne respecte pas
la grande idée des constituants ou du moins l'altère en l'interprétant durement.
Pour pallier les périls, il faut un gouvernement, dictatorial. Aux rebellions, aux
invasions, la Convention répond par des mesures extraordinaires. A côté du Comité de
Salut Public où entre Robespierre, le Comité de Sûreté Générale dirige la police ;
les représentants en mission et les agents nationaux font exécuter les ordres dans les
départements. Après s'être successivement débarrassé des Hébertistes, trop avancés
dans leurs idées, et des Dantonistes, las du sang qu'eux-mêmes ont contribué à verser,
Robespierre gouverne seul. La "Grande Terreur" règne.
Il s'agit moins de punir que d'anéantir les suspects. Maximilien Robespierre l'explique
avec simplicité : "La Terreur n'a pas pour but la conversion,
mais la destruction des ennemis de la République". Chaque jour, la guillotine
attend son lot de victimes.
On a souvent dit que malgré les atrocités la Terreur a tendu les ressorts de la France
au moment des plus grands dangers qu'eût jamais connus la patrie. Mais, dès lors que les
victoires éloignaient le spectre de l'invasion, rien ne pouvait plus justifier cet excès
de rigueur. Les charrettes quotidiennes ne sont plus applaudies que par les tricoteuses,
les poissardes, sorte de "claque" des jugements de Fouquier-Tinville.
A cette époque où les soldats de l'an II voient, à Fleurus, consacrer leur jeune gloire
(26 juin 1794), les membres de la Convention tremblent devant Robespierre. Chacune de ses
paroles est commentée avec inquiétude. Rassemblés par la peur, ses adversaires
s'acharnent à sa perte. "Malheur à qui succombe après avoir
fait trembler", écrira Louis Blanc. La chute de Robespierre sera
spectaculaire et terrible. Il tombe le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) sous le coup
d'une bande d'anciens terroristes dont les mains sont pleines de sang. Mais l'ère de
l'épouvante est terminée.
Alors commence la période de la "Convention Thermidorienne". "On semblait sortir du tombeau et renaître à la vie",
dit Thibaudeau. Mais à partir de cette date la Révolution stagne. Les grands acteurs ont
disparu de la scène ; les passions, les colères font face aux intrigues.
Cependant la misère générale grandit,
des émeutes provoquées par la faim sont durement réprimées. Les royalistes en
profitent pour relever la tête et la "Terreur Blanche" commence à
sévir dans le Sud Est, mais un débarquement royaliste manqué à Quiberon met fin aux
espoirs des monarchistes. Des victoires à l'extérieur et d'avantageux traités
consolident heureusement la situation de l'Assemblée. Mais la Convention juge qu'elle a
rempli sa tâche. Après avoir fait approuver par un plébiscite une nouvelle Constitution
(celle de l'an III), elle se sépare aux cris de "Vive la
République" pour céder la place au Directoire. Entre-temps, un jeune
général, Bonaparte, a maté à Paris l'insurrection royaliste de vendémiaire.
Malgré tout le sang versé, la Convention a accompli une ouvre politique et sociale
considérable (abolition de l'esclavage, création su système métrique, du Grand Livre
de la dette publique, de diverses grandes écoles, etc.), mais surtout elle a, par
son énergie, sauvé le pays de l'invasion étrangère. Elle laisse cependant aux nouveaux
gouvernements du Directoire (27 octobre 198-10 novembre 1799) un lourd héritage : vie
chère, misère, banqueroute, spéculation.
La Constitution de l'an III a donné le pouvoir législatif à deux assemblées et
l'exécutif à cinq directeurs. Rapidement, des conflits vont naître entre ces deux
forces. Le gouvernement est toujours hanté à la fois par le péril de gauche et par le
péril de droite.
Changeant de direction selon les circonstances, le Directoire, par des coups de force
successifs, va chercher à conserver un difficile équilibre. N'inspirant pas confiance,
il ne trouve crédit qu'auprès de gens véreux. La corruption générale, les menées des
trafiquants et des spéculateurs ne rendront pas populaire le régime.
Pour occuper les généraux, distraire l'attention du public et, si la victoire sourit,
renflouer le Trésor, rien de tel que la guerre. Les campagnes de Jourdan et de Moreau sur
le Rhin et le Danube et surtout la prodigieuse épopée de Bonaparte en Italie renforcent
le gouvernement.
Pour ne pas être mêlé à des intrigues qui le dévaloriseraient et rassurer les
directeurs inquiets de sa popularité, le "Corse" veut prendre du champ
et part pour l'Egypte. Tandis qu'il combat au loin, le "pourrissement"
du Directoire s'amplifie. Le pays est las du désordre, des intrigues, de l'improbité de
ceux qui le gouvernent. De nouvelles défaites en Italie accentuent l'impopularité des
dirigeants politiques.
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