Café du français

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L'ANALYSE PREPEDAGOGIQUE...

L'ANALYSE PREPEDAGOGIQUE...                               

Au plan de l’intervention didactique, la compréhension de l’écrit est un exercice décisif. Elle distingue généralement  dans sa temporalité pratique même, le fond qu’il faut comprendre et  interpréter convenablement et la forme qui l’ exprime . Dans les domaines de la lecture et de l’écriture, l’imprégnation par les textes ,est à la base de l’imitation dans les écrits.

Une pédagogie de la compréhension de texte implique que l’apprenant sache interroger un texte et formuler des hypothèses afin de trouver dans le document qu’il consulte des réponses à ses questions, c’est-à-dire en fait  les informations qu’il cherche. Mais si l’enseignant veut aider l’apprenant dans ses repérages et  ses prévisions, il a besoin de savoir comment le texte « fonctionne » et quelles sont les données qui faciliteront éventuellement la formulation d’hypothèses, leur vérification et finalement, la compréhension de l’apprenant . Aussi faut-il qu’il ait analysé les textes au préalable, avant que le cours ne commence, c’est ce que l’on appelle l’analyse prépédagogique.

L’analyse prépédagogique des textes : (une étape dans le processus de scolarisation du savoir.)

Tout texte destiné à être utilisé dans un cours de langue nécessite une analyse préalable par l’enseignant.  On l’appellera l’analyse prépédagogique, car elle concourt à la préparation de l’acte pédagogique et ne sert à la différence des analyses théoriques, ni à construire ni à tester une théorie linguistique .

Dans le domaine particulier de la compréhension de l’écrit, l’analyse prépédagogique a deux objectifs principaux :

1) d’une part, elle constitue, pour l’enseignant, un moyen d’investigation des fonctionnements d’un texte à différents niveaux (lors d’un cours il doit en effet pouvoir répondre aux demandes, pas toujours prévisibles, des apprenants) ;

2) d’autre part, elle doit permettre à l’enseignant d’imaginer les stratégies pédagogiques pour aider les apprenants à accéder au(x) sens d’un texte ( technique de repérage, découvertes d’indices, tactique de vérification. etc.).

L’analyse prépédagogique consiste à poser sur le document plusieurs regards successifs afin de trouver l’angle d’attaque pédagogiquement le plus efficace pour entrer dans le texte. Elle doit donc tenir compte des particularités de chaque groupe d’apprenants, de leurs motivations et de leurs besoins.

Une démarche d’investigation textuelle :                                                                                                              (Retour au sommaire)

Il est nécessaire de montrer aux débutants en langue que l’on peut comprendre un texte sans forcément être capable d’en saisir chaque détail et de traduire chacun de ses termes, il faut leur faire prendre conscience de stratégie de compréhension qu’ils développent en langue maternelle (même si ,  en langue arabe, l’approche  des textes y est encore impressionniste).

L’approche globale des textes consiste à briser la linéarité du  discours pour amener, dans un premier temps, les apprenants à trouver des indices textuels leur permettant d’une part de faire des prévisions  sur l’architecture du texte et de formuler des hypothèses sur son sens, d’autre part de vérifier dans le texte lui-même ces mêmes hypothèses de prévision.

Cependant, il est certain que plus les textes supports sont long, plus les indices textuels nécessaires à la découverte du sens et de la logique du discours seront disséminés entremêlés, voire enchevêtrés sur l’aire du texte. (Il est alors conseillé , en début d’apprentissage, pour initier vos élèves à cette approche sémiotique des textes, de leur proposer des supports courts où la  typographie, l’illustration, la mise en page jouent un rôle prépondérant : annonce  publicitaire, prospectus, tracts, textes de presses illustrés etc.

Initier aux pratiques de repérage :

Si l’on donne à un lecteur étranger ( c’est le cas de nos élèves en classe de français) un texte qu’il n’a pas choisi, un premier regard sur le texte lui fournit déjà quelques indications : la forme du document ( données iconiques), le contenu des titres (données thématiques), le type de support, et le nom du scripteur , s’il le connaît, l’amènent à anticiper sur l’organisation et le contenu de l’énoncé.

Il s’agit alors de lui faire rechercher lors de  balayages successifs du document, d’autres indices d’ordre formel, thématique ou énonciatif afin qu’il vérifie ses premières hypothèses et qu’il en formule de plus précises, reconstruisant ainsi peu à peu la logique et le(s) sens du texte.

Repérages des indices formels :

On entend par indices formels aussi bien les données purement iconiques ( typographie,alinéas,schémas,…) que les modèles syntaxico-sémantiques rendant compte de l’architecture du texte (articulateurs logiques, éléments anaphoriques…)

1) L’image du texte : Le texte est une image, comme on peut s’en rendre compte en examinant le comportement des enfants qui ne savent pas encore lire et feuillettent un livre illustré où le texte leur apparaît comme une image parmi d’autres, une image à déchiffrer à la lueur du contexte iconique.

Dans les cours de langues étrangères, on s’appuie de plus en plus sur « l’image du texte » pour approcher le sens d’un document et le faire appréhender par les apprenants. Le sens est d’emblée donné (en partie du moins) par la typologie, l’illustration, la mise en page et les indices périphériques (titre, sous-titres, chapeau, références de différentes natures…) ; ces aspects sont prépondérants dans certains textes conseillés en début d’apprentissage, tels que les tracts, les prospectus, les annonces publicitaires ou les textes de presse illustrés. Cette lecture, qui part de repères iconiques pour orienter ensuite les stratégies de découverte du sens, vise à donner à l’élève des habitudes de lecture sélective en langue étrangère.

 2) Approche linguistique :

        - Marques formelles d’énonciation :
        - Sujets énonciateurs,
        - Émetteurs,
        - Récepteurs,
        - Lieu d’énonciation,
        - Moment d’énonciation.
        - Modalités ,
        - Modalités logiques,
        - Modalités appréciatives.
        - Actes de parole.

3)      Approche logico-syntaxique .

        -  repérage des relations temporelles,
       - repérage des substituts et procédés diaphoriques : déterminants, pronoms, anaphores, substituts lexicaux, répétitions, synonymes, …
        - repérage des formes de phrases.

Ces trois approches constituent une grille d’analyse. Cette grille est forcément imparfaite, mais elle est perfectible,. Chaque enseignant doit établir sa propre grille, compte tenu de ce qu’il veut faire( son objectif), compte tenu de ses apprenants (leurs besoins) et des textes eux-mêmes.

 

Conclusion :

Si l’on reste persuadé des avantages et de l’intérêt prépédagogique, elle n’en présente pas moins certains dangers :

Le premier danger serait de la confondre avec les analyses théoriques du discours. Le cours de langue ne doit pas devenir un champ d’application pour des théories.

L’analyse effectuée par l’enseignant de langue devrait l’être en fonction d’objectifs didactiques précis (mise en place d’un programme, d’une progression, mise au point de stratégies d’enseignement. etc.)

( Cela ne doit pas empêcher bien entendu l’enseignant de connaître différentes théories et de s’en inspirer.)

Un deuxième danger, serait d’imposer aux apprenants une terminologie et de les « noyer » sous des termes spécialisés sous prétexte de leur faire repérer et classes les indices et des éléments linguistiques.

Il n’est pas nécessaire de leur parler, comme c’est souvent le cas, de modalités, d’anaphores, de thèmes, de rhèmes, d’illocutions : on peut s’exprimer très simplement sur des exemples pris dans les textes mêmes. (c’est-à-dire se mettre à la portée de l’élève, ce qui ne signifie pas se mettre à son niveau ou, en d’autres termes, « baisser le niveau ». Il s’agit plutôt d’adapter le discours pédagogique aux références des apprenants.) Le risque est encore plus grand de mélanger les terminologies.

Un autre danger serait de confondre l’analyse prépédagogique et les stratégies d’enseignement : il n’est pas question de refaire devant les apprenants l’analyse du texte que l’on aurait faite la veille et de retomber aussi dans les travers de l’explication de texte. La démarche non directive, suppose que l’on puisse  répondre aux demandes  très diverses des apprenants en langue quand ils cherchent à comprendre et interdit de leur imposer des stratégies de compréhension qui se heurteraient violemment à leurs propres stratégies d’apprentissages, mais le rôle de l’enseignant reste cependant de leur en proposer… Et c’est souvent l’analyse prépédagogique qui lui permet d’en trouver.

              

Sophie MOIRAND. In. Situation d’écrit. Edition Hachette. Paris 1979. Pp.74/88

 

P.S. « La notion de scolarisation du savoir renvoie à l’ensemble de la question du passage des savoirs de référence aux savoirs scolaires. La didactique s’intéresse à cette opération qu’elle pense en termes d’application, de transposition ou d’implication didactique.

Toute pratique d’enseignement d’un objet présuppose la transformation préalable de son objet en objet d’enseignement.

La transmissibilité scolaire pose les conditions de l’enseignabilité des supports.

La participation de l’enseignant dans cette opération, est  déterminante. En effet, il est fréquent qu’un professeur propose des textes à ses élèves , mais pas avant d’apporter la transformation adaptative nécessaire à ces documents c’est-à-dire rendre apte un savoir (un texte, une théorie…) à prendre place parmi les objets d’enseignement. »  In. La didactique du français. J.F.HALTE.  Ed. P.U.F Coll. Que sais-je ? Paris 1992 P.46.

 

Le Compte Rendu d'Expression Ecrite                           

« Il ne sert à rien d’évaluer si ce n’est pour permettre à  l’apprenant un retour éclairé sur son texte : apprendre à écrire, c’est sans doute apprendre à réécrire »                                                                     Martine MARQUILLO. 

Le compte-rendu de rédaction est la dernière étape d’un apprentissage inscrit dans le cadre d’une Unité Didactique.

Ainsi c’est à travers la correction de copies d’élèves que l’enseignant va observer le degré de réinvestissement par les apprenants du modèle d’expression et les notions morphosyntaxiques qu’il avait auparavant dispensés tout le long de l’U.D.

                Le Compte-Rendu dans l’U.D. (une séquence pédagogique).

Fonction principale
 
Pourquoi ?
 
Quoi ?
Quand ?
             Qui ?      
 
Caractéristiques
Fonctions
annexes

 Diagnostic.

Faciliter l’apprentissage de l’apprenant et pour le professeur réguler son enseignement.

Obtenir des informations sur les difficultés rencontrées par les élèves dans le réinvestissement du modèle discursif.

 

*Fin de l’U.D.
*Enseignant
*Apprenant.
*Formative.
*Evaluation   continue, critériée & sommative.
*Guider,
*Corriger,
*Remédier,
 *Renforcer,
 *Aider,
*Vérifier…

Le compte rendu est donc un moment important de remédier aux difficultés rencontrées par les élèves dans leur textualisation (production écrite). La séance du compte-rendu va fonctionner par rapport aux apprenants, en premier lieu, comme un moment-miroir qui devrait les inviter à réfléchir sur le pourquoi de chacune de leurs erreurs et en second lieu, les contraindre à mette en œuvre une stratégie  pour gérer ces erreurs afin de les corriger et de les dépasser.

Le compte-rendu n’est pas seulement une aide à l’apprentissage, c’est aussi un objet de mesure et d’appréciation de l’évolution de la compétence des élèves à la fin de l’U.D avant d’entamer celle qui va suivre dans le cadre du projet didactique en cours de réalisation.

Toutefois, cette séance ne peut être utile que si elle fait partie d’un enseignement/apprentissage s’appuyant sur la « pédagogie par objectifs ».

En effet, les activités de réécriture qui seraient prévues dans la séance de compte-rendu ne peuvent être efficaces que si ces exercices relèvent de présupposés linguistiques et didactiques cohérents.

Il est évidemment, peu aisé de connaître les compétences communicatives de ses élèves s’ils sont testés   sur un contenu de type structural ou d’étude morpho-syntaxique.

Ce qui nous emmène à poser le problème du lien entre objectif et évaluation. En effet, l’évaluation formative ne peut se concevoir aujourd’hui sans y associer la notion d’objectif d’apprentissage. Ces deux notions sont devenues totalement liées et incontournables : «Aucun processus d’évaluation n’a de sens indépendamment des objectifs d’apprentissage visés, réciproquement, l’objectif n’existe véritablement que s’il inclut dans sa description même ses modes d’évaluation. » Louis PORCHER.

Par ailleurs, pour être pertinente, une évaluation doit être « valide c’est-à-dire qu’elle doit mesurer exactement et exclusivement ce qu’elle est censée  mesurer » Il doit donc y avoir correspondance entre contenu du test, surtout au niveau de sa consigne et l’objectif de l’apprentissage. C’est vrai que ce n’est pas toujours facile à obtenir, mais lorsque l’on n’évalue que la maîtrise de l’objectif opérationnel bien conçu et bien construit, cette qualité s’obtient aisément.

Il est à faire remarquer malheureusement que l’impact de la consigne de travail est fréquemment sous-estimé et on assiste par conséquent le plus souvent à des dérives et à des distorsions observées par la suite, dans des copies d’élèves, ayant pour origine des ambiguïtés dans la formulation des sujets de rédaction qui en outre n’explicitent que rarement les critères de réussite.

 

Conclusion :

Se baser sur des objectifs opérationnels pour enseigner et évaluer n’est pas un but en soi, car cela ne suffit pas à faire progresser l’élève. C’est la séance de compte-rendu, en fin d’U.D, grâce, essentiellement, aux résultats analysés des travaux d’élèves, qui est importante puisque cette séance est le moment , dans l’U.D, qui va montrer à l’enseignant et aux apprenants si l’objectif annoncé au départ a été atteint ou  pas.

Ainsi ces résultats, dans une évaluation formative, aideront chacun, à l’intérieur du tandem enseignant/apprenant, à maîtriser son rôle. Le professeur, en faisant son diagnostic, ne pourra ignorer les lacunes et les points forts de l’élève et ce dernier saura à tout moment où il en est, sur quoi s’appuyer et l’étendu de l’effort qu’il lui reste à fournir. Pour l’un comme pour l’autre, cette séance, si elle est sérieusement intégrée à l’apprentissage va être un appui, une aide. Elle ne sera plus perçue comme une séance inutile, mais plutôt un outil nécessaire dont on se servira pour construire efficacement l’apprentissage guidé de l’écrit dans la durée en sachant vraiment où l’on va. Car en ce qui concerne l’enseignant, son rôle est effectivement d’emmener l’élève d’un état initial X à un étal final ou intermédiaire Y, à travers un cursus de formation préalablement déterminé dont le contenu et les objectifs devraient être communiqués aux apprenants puis discutés avec eux. Ainsi, les apprenants sont impliqués  dans cette dynamique d’apprentissage dont ils sont la cible.

C’est pourquoi le professeur doit se donner les moyens d’évaluation et de remédiation nécessaires et efficaces pour mener à bien sa mission.

Le compte-rendu d’expression-écrite doit être perçu dans cette « nouvelle » vision . Il est par conséquent,  nécessaire de remettre en question cette manière traditionnelle de corriger qui se limite généralement à des phénomènes de surface (orthographe, grammaire, vocabulaire…) ou à des remarques « verdictives » ( mal dit, maladroit, impropre, incorrect…) qui le plus souvent ne veulent rien dire pour nos élèves.

Au contraire le compte-rendu de rédaction doit s’orienter vers la correction des dysfonctionnements de la composante textuelle et discursive dans les reproductions écrites de nos élèves.

Aussi le professeur doit-il être capable de relever, dans les copies de ses élèves, ces erreurs textuelles, d’analyser leurs incidences et leurs portées afin de pouvoir prescrire une modification pour l’apprenant.

P.S/        JUNG, le médecin et psychologue suisse (1895-1961) disait aux psychothérapeutes et demandons-nous si ce qu’il leur conseille n’est pas vrai aussi pour les enseignants, face aux erreurs des élèves dans la construction de leur savoir :  « Ce qui est, réellement, c’est ce qui se montre actif. Si ce qui m’apparaît comme une erreur est en fin de compte plus efficace et plus puissant qu’une prétendue vérité, il importe d’abord de suivre cette erreur, car c’est en elle que gisent la force et la vie, que je laisserais échapper si je persévérais dans ce qui est réputé vrai. La lumière nécessite l’obscurité, sans laquelle elle ne saurait être lumière. »

En effet,  notre conception de l’erreur est à remettre en question. Ne faut-il pas faire de la dynamique de l’erreur un facteur d’intégration et non d’exclusion, par sa prise en compte, dans un premier temps, comme légitime et comme passage obligé ? Oui, laisser vivre les erreurs car toute erreur peut être créatrice et devenir la non-erreur  -provisoire elle aussi- de demain ; mais ça ne sera possible que si notre enseignement est centré sur l’élève, sans bien entendu perdre de vue les références de l’école.

Aussi une définition opérationnelle de l’erreur dans tout enseignement/apprentissage s’impose-t-elle et ce en réfléchissant à une stratégie qui instrumenterait l’erreur d’une manière positive, car elle est synonyme de tâtonnement expérimental  nécessaire dans l’acquisition des savoirs et des  savoir-faire.                                                                                                               
                                                                                                                                                                                                M.DJOUDI.

    Bibliographie :

     Des pratiques de l’écrit. Gisèle KAHN. Edition Hachette. Paris 1993.
      Situation d’écrit. Sophie MOIRAND. Edition CLE International. Paris 1979.
      L’Evaluation.  Christine TAGLIANTE. Edition CLE International. Paris 1991.
      Apprendre à écrire le français au collège. J.C.MEYER et J.L. PHELUT. 1987.
      Des enfants non-francophones à l’école.    Quels apprentissage ? Quel français ?
      Martine Abdallah PRETCEILLE. Ed. Armand  Colin.Coll. Cahiers de pédagogie moderne N°66.Paris 1982.
      La dynamique de l’erreur.  Daniel DESCOMPS. Edition Hachette-Education. Paris 1999.


03/05/2010
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